vendredi 20 décembre 2013

Dialogues des Carmélites au TCE


Il est réducteur de penser que "Dialogues des Carmélites" n'est qu'une illustration des usages du Carmel et du martyr des carmélites sous la Terreur.

Bernanos et Poulenc nous proposent de bien plus vastes et plus intéressantes réflexions dans l'univers conventuel et dans l'âme des personnages sous les voiles des carmélites.


Olivier Py, dans sa mise en scène rigoureuse et crépusculaire, nous en offre une large palette grâce à une direction d'actrices qui brandissent leur foi comme un étendard et comme paravent à toute atteinte extérieure. Mais, le moment venu, cette foi sera la force de leur martyr.


Le décor tout en simplicité sait nous révéler les divers lieux de l'enfermement :

  • l'hôtel particulier du Marquis de la Force qui recèle des siècles de conventions incapables de nourrir l'esprit fébrile de sa fille, Blanche, qui n'arrive pas à imaginer sa place dans cette société
  • le Carmel où elle se réfugie, croyant trouver la sérénité et ne rencontrant que le doute sans être débarrassée de sa peur viscérale
  • la cellule où Mme de Croissy vit une agonie si proche de celle du Christ qu'elle étendra ses bras en croix dans l'attitude du Sauveur
  • la prison où s'exacerbe l'oppressante certitude qu'aucune échappatoire ne viendra modifier la sentence finale.
Olivier Py maîtrise tout cela parfaitement et distribue à chacune des cinq personnalités l'incarnation qui lui est propre :
  • l'incandescence radieuse de Constance
  • la force orgueilleuse et la rigueur de Mère Marie
  • l'agonisante Mme de Croissy, au pied du mur dans son difficile et inéluctable rendez-vous avec Dieu
  • la lumineuse grandeur d'âme de Mme Lidoine
  • la grande faiblesse qui met Blanche en perpétuelle perdition, sauvée in extremis de son propre mépris.
Olivier Py nous révèle également que Constance irradie et attire Blanche, que Mère Marie aspire Blanche vers le haut, que Blanche se laisse diriger par Mère Marie (physiquement, Py l'accroche à l'épaule de Mère Marie plusieurs fois), Mme Lidoine s'impose à "ses filles" tout en douceur et efface l'influence de Mère Marie auprès d'elles.

Très bien, également, les tableaux vivants des Ecritures qui ponctuent la vie des Carmélites (Annonciation, Nativité, Passion). N'utilisant que les accessoires-symboles, chaque tableau est une image fugitive et très simple à la manière des tableaux des Primitifs.

D'une manière générale, au niveau vocal, cette distribution impressionnante est à qualifier d'excellente. J'oserai toutefois d'infimes réserves.



La direction de Jérémie Rohrer imprime à l'Orchestre Philharmonia un tempo vif, constant qui rajeunit la partition, révélant la dissonance. Les pupitres des vents ne le suivent parfois que difficilement.




Les rôles masculins, forcément secondaires dans cette partition, sont globalement excellents. Mention particulière à la diction et à la belle ampleur de la basse Philippe Rouillon en Marquis de la Force et à François Piolino, prêtre-confesseur du couvent, très convaincant vocalement et scéniquement.
Salut de Philippe Rouillon

R. Plowright ici à droite
Théâtralement, Rosalind Plowright (soprano d'origine) réussit une performance incontestable, rehaussée
par la vision en surplomb que nous avons de son lit d'agonie. Vocalement, ce rôle de contralto l'oblige à utiliser au moins trois registres, trois voix différentes dont elle ne maîtrise pas les liens de passage qui devraient les relier. Il en résulte - au moins pour moi - un grand inconfort d'écoute.



S. Koch entre AC Gillet et J. Rohrer
La voix de Sophie Koch gagne en sûreté dans l'aigu. Elle s'impose avec talent dans le rôle de Mère Marie qui est écrit pour un "Grand Lyrique" selon la partition que j'aie pour quelques temps en ma possession. La mezzo-soprano qu'elle est toujours parvient à dominer la tessiture du rôle. Il m'a toutefois semblé que son timbre y perdait en rondeur. Belle prestation d'ensemble cependant avec une belle présence scénique, à la fois fière face à la Seconde Prieure et presque maternelle avec Blanche.

V. Gens, 3ème en partant de droite
Grande admiratrice de Régine Crespin, j'ai bien sûr dans l'oreille son incomparable Mme Lidoine à la diction parfaite, assise sur le velours de son timbre.
J'ai cependant été tout à fait séduite par l'élégance radieuse du chant de Véronique Gens. L'air d'entrée au III où Mme Lidoine rassure "ses filles après cette première nuit de prison..." recélait toute la sérénité voulue, une grande musicalité et beaucoup de tendresse. Un très beau moment.


Je ne sais si nous devions regretter Sandrine Piau,souffrante. Très certainement. Il convient cependant de souligner que nous n'avons eu qu'à nous réjouir d'avoir pu, pour cette série de représentations, trouver dans le panel actuel de chanteuses possibles, les voix et les talents d'un grand niveau dans le réservoir du chant francophone. En effet, Anne-Catherine Gillet et Sandrine Devielle se sont succédées pour la remplacer, avec un égal bonheur.
Anne-Catherine Gillet

Anne-Catherine Gillet, qui a déjà endossé les doutes de Blanche tout récemment, a repris ici l'habit de Constance avec toute la juvénilité souhaitée. Elle irradie véritablement par sa vocalité sans faille, son timbre léger et coloré, sa parfaite précision. Sa tenue en scène est toujours d'un grand naturel et nous délivre un personnage lumineux, vif et léger qui n'est jamais mièvre.

J. Rohrer, Patricia Petibon, V. Gens
Mon avis a toujours été réservé vis à vis de Patricia Petibon. Ses interprétations ne m'ont jamais passionnée et je suis assez imperméable à son timbre. Je reconnais que, si bien cadrée théâtralement ici, elle livre une interprétation de grande qualité du rôle de Blanche de la Force, juste et sans effet surjoué. Vocalement, son médium s'est suffisamment élargi, tout en conservant la pureté de ses aigus.

Un cinquantenaire de la mort de Francis Poulenc, célébré de très belle manière avec cette production des "Dialogues des Carmélites" au TCE.

Un moment lyrique fort dans cette saison parisienne.



jeudi 12 décembre 2013

De Traviata en Traviata...

J'ai quasiment vécu ces quinze derniers jours en compagnie de Violetta Valery.

En effet, MEZZO Live HD puis MEZZO rediffusent la production de Covent Garden de 2009 avec Fleming, Hampson et Calleja, Pappano à la direction d'orchestre.

Ce n'est pas l'enthousiasme - mais bien plutôt le désert sur les autres chaînes - qui guida mon choix de visionner cette production, enregistrée en 2009. Je craignais les voix fatiguées de Fleming et Hampson. Il n'en fut rien, bien au contraire !

Les trois chanteurs étaient, ce soir-là, dans une forme extraordinaire, tant vocalement que scéniquement. C'était la soirée (comme cela se produit quelquefois) à laquelle il fallait assister à Londre cette année-là. J'ai été saisie par la qualité vocale de la soprano américaine, le moelleux de son timbre, ses facilités dans l'aigu et son agilité dans les vocalises. Hampson, son compatriote, retrouve là tout son talent de baryton avec un legato d'une grande stabilité et son beau timbre sur toute la tessiture. Quant à Joseph Calleja, la légèreté de son timbre et sa belle technique font merveille.

Dans une mise en scène et des décors "conventionnels de chez Conventionnel", ce fut un pur régal que de suivre cet opéra et j'y suis allée de ma larme dans la scène Violetta-Germont du premier tableau du II ainsi qu'à la fin.
Renée Fleming et Joseph Calleja dans Traviata

La direction de Pappano est sûre, lumineuse et très attentive. Un vrai régal que ceux qui reçoivent MEZZO peuvent encore voir le 19/12 à 16 h 45 et le 23/12 à 17 h.

Une grande soirée à laquelle les spectateurs londoniens ont fait une ovation debout. J'ai revu cette production une semaine plus tard avec le même plaisir et la même émotion.

J'étais donc d'autant plus curieuse d'assister à l'ouverture de la saison 2013/2014 de La Scala de Milan, le 7 décembre dernier. Quelle déception !...
La Traviata 2013 à La Scala - Acte 1
Le metteur en scène, Dimitri Tcherniakov, a confondu l'opéra de Verdi avec un mélange de la Veuve Joyeuse (Léhar) pour les scènes de salons et l'Auberge du Cheval Blanc (Benatzky) pour l'acte II. Une direction d'acteurs catastrophique, de fausses bonnes-idées, des attitudes compassées qui n'apportent rien et surtout pas d'émotion. Quant aux costumes et autres accessoires dont la pauvre Diana Damrau est affublée, ils la font ressembler à la Castafiore, la vieillissent de 15/20 ans et décrédibilisent fortement le personnage.
Diana Damrau - Traviata à La Scala

Renée Fleming (54 ans) est plus jeune et plus lumineuse, même en gros plan, que la soprano allemande (42 ans) ! Affublée d'une perruque blonde aux mèches plaquées au premier acte, d'une autre, ébouriffée celle-là au second tableau du II, les deux font ressortir sa bonne mine joufflue. Quant aux robes, elles accentuent les formes généreuses de la chanteuse, nous interdisant de croire, malgré son talent vocal, au drame qui nous est exposé.

Vocalement, Damrau chante parfaitement, avec une technique irréprochable et une facilité déconcertante. Mais cela ne suffit pas à créer une ambiance dramatique à laquelle on puisse être sensible.

Le ténor polonais Piotr Beczala et le baryton Zeljko Lucic sont insuffisants sur cette scène prestigieuse. Quant à Daniele Gatti, il ne peut s'empêcher d'alourdir et d'étirer les sons. Pappano, dans ce répertoire, lui est cent fois supérieur.

Donc, en résumé et si vous recevez MEZZO, regardez La Traviata de Covent Gerden, vous passerez un magnifique moment d'opéra !

dimanche 1 décembre 2013

Elektra de Richard Strauss à l'Opéra Bastille

Oreste, Electre et Hermès
devant la tombe d'Agamemnon
Les mille et une occupations de cet automne ont retardé la mise en ligne de mes impressions sur la représentation d'Elektra de Richard Strauss que j'ai vue à Bastille le 11 novembre dernier. Je vous les livre donc aujourd'hui.

Une magnifique soirée où, pendant 100 mn, j'ai été secouée, ébranlée, choquée mais, aussi, enchantée, transportée, chavirée, enflammée... !

Cette oeuvre, musicalement d'une force inouïe, frappe autant les oreilles que l'esprit. La tragédie grecque est sublimée par le lyrisme et la puissance dégagés par cette orchestration flamboyante.

La direction de Philippe Jordan est, une fois encore, exemplaire de lumière et de précision. Depuis l'avant-dernier rang du second balcon, j'ai perçu les interventions de certains pupitres comme autant de mini-parties solo et j'ai savouré l'intensité de la masse orchestrale qui résonne jusqu'au fond du corps. Un grand bravo au talentueux orchestre de l'Opéra National de Paris, si riche en nuances et en sonorités.





J'ai rarement été déçue par les mises en scène de Robert Carsen.

J'ai d'autant plus apprécié celle-ci que, pour une fois, les spectateurs des balcons sont, certainement, ceux qui en ont le mieux profité. Les mouvements chorégraphiques en étoile ou en déplacements géométriques étaient magiques. 




L'arrivée de Klytämnestra, vêtue de blanc sur son grand lit blanc, porté par les servants jusqu'au duo, la place résolument au-dessus du lot commun malgré son crime.


La tombe d'Agamemnon, élément central de la mise en scène, est en quelque sorte la source où Elektra prend toute sa force de résistance.

Le tout est constamment baigné par les très beaux éclairages de Carsen lui-même et de Peter Van Praet.

Une mise en scène où l'esthétisme produit l'émotion. Beaucoup - et c'était tentant - ont comparé cette production à celle de Patrice Chéreau cet été à Aix. Ils ont regretté, ici, de ne pas avoir été pris aux tripes par l'action comme on l'était par l'intensité dramatique que dégageait la production de Chéreau où le metteur en scène avait su insuffler aux chanteurs, et surtout à son Elektra, une formidable incarnation intensément dramatique.

La mise en scène de Carsen agit différemment et procure une autre émotion, produite par l'esthétisme des déplacements, les hiatus d'atmosphères, les changements de climats.

Il y a, à mon sens, de la place pour les deux partis pris et je me suis, personnellement, autant régalée de l'une que de l'autre.

Evgeny Nikitin
Ricarda Merbeth
Waltraud Meier
Côté chanteurs, écrasés par la masse orchestrale de cette oeuvre-choc, on admettra de perdre une partie de la prosodie lorsqu'ils s'expriment dans le registre médium. Cependant, au final, les différents rôles ont été très honnêtement et honorablement servis et si la distribution - très homogène de Evgeny Nikitin (Oreste) en passant par la Chrysothémis de Ricarda Merbeth et la Klytämnestra de Waltraud Meier et jusqu'à la très belle prestation de Irène Theorin en Elektra - ne nous a pas entièrement comblés, elle nous a néanmoins procuré beaucoup de plaisir et de bonheur.


Irene Theorin


lundi 11 novembre 2013

La Tosca au MET


Le MET retransmettai samedi soir la reprise de La Tosca, production de Luc Bondy de 2009.

Disons-le tout net, Bondy n'a pas réussi là une mise en scène bien intéressante. Dans les décors impersonnels et tristounets de Richard Peduzzi, Bondy ne parvient ni à innover, ni à "coller" au livret. Voulant à tout prix se démarquer de la tradition qui terminait le II de façon pompeuse et démonstrative en laissant Scarpia, mort, un crucifix sur le ventre et entouré de candélabres après la sortie théâtrale de Tosca, il met fin à la scène en abandonnant Tosca allongée sur un canapé, s'aérant avec l'éventail de l'Attaventi dont s'est servi son tortionnaire pour confondre Mario. Fausse bonne idée également, le geste qui conduit Tosca sur le rebord de la fenêtre, prête à se suicider... déjà ! Elle vient de tuer Scarpia, il y a un sauf-conduit écrit et signé, pour Mario et elle ; quelle envie la pousserait à sauter par la fenêtre du Palais Farnèse ?...

Aucune trouvaille ne parvient à pénétrer les deux autres actes non plus. Et, plus grave, on sent que les chanteurs sont livrés à eux-mêmes scéniquement. Roberto Alagna cabotine au I, Scarpia au II. Patricia Racette s'en sort le mieux mais, avec des gestes à contresens, ne parvient à émouvoir qu'au III.

Sous la direction de Riccardo Frizza, l'orchestre du MET respecte la partition sans la sublimer.



George Gagnidze est un Scarpia à la voix très ample semble-t-il, qui possède la tessiture du rôle. Le timbre est très sombre et l'émission inconfortable. Le style n'est, par contre, pas du tout italien.



Roberto Alagna, très crispé au premier acte, parvient cependant à chanter "Recondita armonia" avec les qualités qu'on lui connaît. Au II, il est un Cavaradossi tout en vaillance et en assurance et les "Vittoria ! Vittoria !" sont sonores, parfaitement placés et font mouche. Au III, c'est avec une belle aisance et un grand sens du phrasé et du legato, qu'il entraînera l'ovation du public NewYorkais après l'air "E lucevan le stelle".


Pour ce qui concerne le rôle titre, Patricia Racette est une soprano dont les moyens sont conséquents. Si, personnellement, je pense que son chant manque un peu de nuances, il faut lui reconnaître une belle maîtrise de l'aigu (surtout au III), une présence scénique - mal employée certes - mais bien réelle. Ce n'est pas dans le "Vissi d'arte" qu'elle se distingue : souvent placées trop bas, certaines notes sont presque fausses. Mais le contre Ut et les si du III sont parfaits et son chant retrouve, à cet acte, toute sa musicalité.

Une bonne soirée en compagnie de cinq membres du "Coeur des voix" et de la musique de Puccini, compositeur quelque peu délaissé dans nos salles européennes.

dimanche 10 novembre 2013

Sur les traces de Michèle Herbé


Sans l'extraordinaire impression que me fit la voix de Michèle Herbé lors de ma première soirée à l'Opéra Comique, dans le rôle de Mlle Lange (La fille de Madame Angot de Ch. Lecoq), aurais-je développé cette passion pour l'art lyrique qui guide toujours ma vie ? Cette première fois fut, quoi qu'il en soit, déterminante.

La chanteuse était passionnée, pleine d'un talent plus que prometteur, superbe femme brune au regard de braise et devenait, avec ce rôle, la plus jeune Mlle Lange de l'histoire de l'Opéra de Paris. Rien à voir avec l'image caricaturale, fort désobligeante pour la profession, que véhiculaient encore, à l'époque, certaines idées préconçues.

J'entrais comme figurante, peu après, Salle Favart et j'y découvris le répertoire au fil des représentations.

Devenue une amie de la soprano, je vis évoluer sa carrière au fur et à mesure des prises de rôle, tant à Garnier qu'à Favart et dans les salles régionales.

M.H. Butterfly à l'Opéra Comique

Très vite, elle y interprète ses premiers grands rôles, ceux qui feront de la très belle soprano au timbre rond, à la voix ample et puissante, au contre ut si sûr : La Tosca, Butterfly, Musette dans La Bohème, Concepcion dans L'heure espagnole, Giulietta dans les Contes d'Hoffmann, Giorgetta dans Il Tabarro, la Comtesse von Geschwitz dans Lulu de Berg, Minnie dans la Fanciulla del West...






M.H. Le Chevalier à la rose - Nancy
De Lille à Marseille, de Bordeaux à Lyon, de Toulouse à Strasbourg ou Nancy, à Rouen et à Tours mais aussi de Bruxelles ou Liège à Barcelone et de Genève à Montréal, Michèle Herbé ensoleillera les scènes lyriques et saura promouvoir le chant français ou en français dans des rôles aussi glorieux que  l'Aiglon de Honegger et Ibert qu'elle fut la seule de sa génération à chanter en restituant au personnage toute sa beauté et sa fragilité, Magda du Consul de Menotti, Fidelio, Octavian du Chevalier à la rose, Salomé dans Hérodiade, autant de rôles auxquels elle prêtera tout son talent, sa plastique, sa présence scénique.

Extrait de Paganini de Lehar pour vous faire une idée de sa voix.

Les méandres de la vie nous firent prendre ensuite des canaux différents. Nous nous perdîmes de vue. Lorsque nos chemins se recroisèrent, il y a plusieurs années, je retrouvai Michèle Herbé metteur en scène et Directrice Artistique du Festival lyrique en Marmandais. Elle en avait pris les commande, en étroite collaboration avec Philippe Mestre qui en assure la Direction Musicale, en 1995 après la disparition de Jean Giraudeau qui en était le fondateur.

Ensemble, ils ont développé le festival qui s'enorgueillit à présent de deux à trois productions annuelles à Marmande et d'un concours international de chant auquel participent des chanteurs de vingt nationalités et où des Directeurs d'opéras viennent y dénicher les talents lyriques de demain. La promesse faite aux lauréats, d'un premier rôle dans les productions futures du festival, concourt grandement à l'insertion professionnelle des talents, jeunes certes, mais aptes à affronter les grands rôles.

Avant sa prise de responsabilité à Marmande, Michèle Herbé assurait déjà les mises en scène dans beaucoup de productions. Toutes celles du Festival lui seront confiées. Elle y apportera toute sa créativité et saura allier modernité et tradition, sans jamais nuire à l'esprit du livret ni à la partition.

Parallèlement, Jean-Paul Burle, le directeur du Pin Galant à Mérignac, lui confiera les mises en scène des productions de son théâtre.

Dans le cadre du Festival de Carcassonne, elle mit en scène "Le Pays du Sourire" en 2002 et "La Tosca" en 2003.
Michèle Herbé dans l'Aiglon

Chevalier des Arts et Lettres, Michèle Herbé a rejoint d'autres grandes voix avec qui elle se produit dans d'autres galaxies.

Un pan entier - le plus important - de ma jeunesse est entamé par ce départ. Mais, au-delà de ma peine, je ne me souviendrai plus, avec une heureuse émotion, que du moelleux de son timbre, de la justesse de ses incarnations et de la sûreté de ses aigus. Je reverrai la fougue de l'Aiglon, la vaillance de Tosca, la fêlure de Butterfly... de même que "Lange" qui m'apparut un soir et me la fit connaître.

Liens vers les articles de presse qui lui rendent hommage :
Le Républicain  -  Sud Ouest - ANAO (journal de l'opérette)
et vers le communiqué du Député du Lot et Garonne, Matthias Fekl

vendredi 18 octobre 2013

Chéreau, suite... et "FIN"

Patrice Chéreau aux saluts de la première d'Elektra le 10 juillet 2013 à Aix-en-Provence
Cette photo, c'est l'excellent choix des proches pour le programme de la cérémonie de Saint-Sulpice.

L'église était pleine. Pleine des VIP (politiques et artistes), pleinde de quelques  rares curieux, pleine enfin de tous les anonymes qui, comme moi, n'étaient là que pour un dernier adieu à Patrice Chéreau.

Cérémonie à la fois riche et sobre où les comédiens se sont succédés pour dire Shakespeare, Jean de la Croix, la Genèse, un psaume et la prière.

Cérémonie où les religieux ont su à la fois rendre hommage au défunt et livrer leur croyance par un judicieux choix de l'Evangile de Jean.

Cérémonie où la musique a élevé nos coeurs et nos âmes par les sons de l'orgue sur lequel se sont succédés Daniel Roth et Bernard Faccroule. Par la voix de Waltraud Meier dans deux Wesendonck lieder de Richard Wagner (Im Treibhaus et Traüme) accompagnée au piano par Alphonse Cemin. Par la voix aussi de Stéphane Degout dans une Cantate de Bach (Schlummert ein) soutenu à l'orgue par Bernard Faccroule.

Je me souviendrai du silence recueilli et respectueux qui régna tout au long de l'entrée du cercueil, au seul son d'une marche, forte et sombre, qui aurait pu venir - qui venait peut-être - de la B.O. de "La Reine Margot".

Je me souviendrai peut-être davantage encore de la traversée inverse du cercueil sous les applaudissements nourris de tous, cependant que l'orgue jouait une transcription d'un moment wagnérien.

Adieu Monsieur Chéreau !

lundi 14 octobre 2013

Au revoir Monsieur Chéreau !

Patrice Chéreau comme je l'aime !


Profession ? : Metteur en scène de théâtre et d'opéra, réalisateur et scénariste de cinéma, acteur, directeur de théâtre...

Au choix donc, on pouvait aimer et admirer l'une ou l'autre de ses réalisations, de ses engagements ou tout prendre en bloc comme un cadeau. Moi, je prends le cadeau - même si je n'ai pas adhéré à toute son oeuvre - et j'en remercie du fond du coeur l'artiste qui fut capable de nous laisser un pareil héritage.

Cet homme dont le regard intense brûlait de tous les feux de ses passions qu'il s'est efforcé de mener au bout. Au bout de ses fantasmes, au bout de ses rêves, au bout de ses conceptions, de ses convictions, au bout de son génie de l'expressivité qu'il savait transmettre aux corps, de la puissance du geste, des élans, au bout de son lyrisme aussi échevelé qu'ardent.

De surcroît, ce regard est bourré de charme. Il nous emmène. Il a dû emmener chanteurs et acteurs au plus profond d'eux-mêmes pour qu'ils nous bouleversent autant.

Ce boulimique, capable de mener de front trois projets, après la direction du Théâtre de Sartrouville (à 22 ans !), ses mises en scène au Piccolo Teatro de Milan où G. Strehler l'invite, le TNP de Villeurbanne avec Planchon, il signe son premier film "La Chair de l'orchidée" en 1974 ; il a trente ans !

En 1976, c'est Bayreuth où il signe une mise en scène du Ring de Wagner qui deviendra mythique et sera jouée jusqu'en 1980. Très controversée à sa création, c'est sous les acclamations d'un public convaincu par sa vision de l'oeuvre que les représentations des années suivantes se terminent. Moi-même déroutée à la première vision, j'ai toutefois toujours été enthousiasmée par l'implication, l'incarnation au sens propre, des chanteurs. Dolnald Mc Intyre (Wotan) et Gwyneth Jones (Brunehilde) ont laissé des émotions indélébiles dans ma mémoire par l'humanité dont ils ont nourri leurs personnages.

Et cette année encore, j'ai été suspendue à mon écran lors de la diffusion par ARTE Live d'Elektra de Richard Strauss que Chéreau venait de mettre en scène à Aix en Provence. En 2007, "De la Maison des Morts" de Janacek à Aix encore et, la même année, le Tristan et Isolde à la Scala. Autant d'occasions de vibrer encore davantage aux accents de ces opéras.

Au cinéma, c'est tout d'abord l'acteur que j'ai admiré dans le Danton de Wajda où il incarnait un Camille Desmoulin tellement ardent. Je n'ai pas vu tous ses films. Intimité m'a sidérée par la force que dégagent les scènes de sexe, emplies à la fois d'images très crues et pourtant d'une infinie pudeur. De plus, il filme Londres si particulièrement, en homme pressé qui ne livre qu'une atmosphère, mais la véritable.

Et je suis une fan de La Reine Margot, un film-opéra, magnifique de violence et de rythme, de force et de tendresse, d'amour et de haine. On y comprend toute l'horreur de la Saint-Barthélémy et des ressentis des acteurs historiques qui l'on décidée.

Directeur de théâtre intransigeant et génial, ce fut avant tout un homme de passion.

Je ne suis jamais allée dans vos théâtres, Cher Maître, mais je sais que vous y avez fait nombre de choses importantes, talentueuses et nécessaires.

J'étais devant mon postes hier soir pour la rediffusion de La Reine Margot et j'irai certainement vous saluer à Saint-Sulpice mercredi 16 à 11 h 30, parmi beaucoup d'admirateurs peinés, sans aucun doute !

samedi 17 août 2013

Eblouissant Don Carlo à Salzbourg

T. Hampson et J. Kaufmann

Il est des soirées dont on n'attend presque rien et qui nous donnent énormément. Ce 16 août parisien très paisible s'inscrit dans ces dernières grâce à ARTE et à la retransmission de Don Carlo de Verdi en léger différé (évitant entractes aux bla-bla indigestes) depuis le Festival de Salzbourg.

Dans mon article du 30 avril dernier relatant la très belle diffusion de l'oeuvre au TCE, j'énumérai les différentes versions possibles de l'oeuvre de Verdi. Salzbourg avait opté pour la version dite "de Paris", en italien, sans ballet mais avec l'acte de Fontainebleau et le très bel ensemble qui suit la mort de Posa au V, coupé au TCE.

De la lecture de la distribution, résulta mon attente très mesurée. Cinq rôles sont d'une importance capitale dans cette oeuvre et, sur le papier, on pouvait douter, redouter ou craindre pour le bon déroulement de la soirée, l'usure, la méforme ou l'inexpérience de l'un ou plusieurs de ces cinq poids lourds.

Or, si ma réserve s'est vérifiée pour l'un d'entre eux, les quatre autres ont assuré de très belle manière les quatre heures et quelques de chant verdien pur.

Mes louanges réuniront donc dans un même emballement :l'Eboli d'Ekaterina Semenchuk, l'Elisabeth de Anja Harteros, le Rodrigue de Thomas Hampson et le Carlo de Jonas Kaufmann qui ont tous côtoyé longuement l'excellence pendant cette soirée.

Comme je le craignais, le Philippe II de Matti Salminen s'est heurté aux aigus, aux nuances et à la ligne de chant, à l'élégance aussi - à la fois scénique et vocale - que requière ce rôle. Il serait peut-être sage que la basse finlandaise, à l'image de Robert Lloyd magnifique spectre de Charles-Quint hier soir, termine sa longue et brillante carrière dans des rôles moins lourds et davantage à sa portée vocale.

Le plateau fut porté par l'Orchestre Philharmonique de Vienne et ses sonorités à nul autre pareilles et par le choeur de l'Opéra de Vienne auxquels Antonio Pappano a insufflé les accents lyriques, romantiques et envoûtants, soignant les détails et laissant sonner la puissance autant que nécessaire.
T. Hampson et J. Kaufmann
J'ai donc été très agréablement surprise, le chanteur américain ayant beaucoup annulé ses dernières programmations parisiennes, de retrouver Thomas Hampson en pleine possession de ses moyens dans ce très beau personnage de Don Posa auquel il imprime une humanité lucide et touchante. La ligne de chant est sûre, l'ampleur et les aigus vaillants. Physiquement, s'il s'est très légèrement alourdi, il a toujours très fière allure.

La soprano allemande (papa grec) Anja Harteros donne à Elisabeth de Valois une force et une assurance à la fois physiques et vocales. Aucune faille dans cette voix jeune que la chanteuse, si l'on devait reprocher quelque chose, disciplinera encore davantage avec le temps. Phrasé, legato, étendue de la tessiture, volume, expressivité... Toutes les qualités sont là !
Anja Harteros et Jonas Kaufmann
La Princesse Eboli campée par la mezzo-soprano belarusse Ekaterina Semenchuk est, dès la chanson sarrasine du II, ce personnage empêtré dans son besoin de séduire à tout prix, sa quête de reconnaissance qui la poussera à trahir, par vengeance, celle à qui elle vouait une grande admiration. Le timbre est bien coloré sans jamais être trop sombre. Du grave (jamais poitriné) à l'aigu facile, la voix est sonore et le style impeccable. "Ô don fatal" était hier soir un modèle d'interprétation.

Quant à Jonas Kaufmann, je n'imaginais pas possible, dans ce rôle tellement différent, la même qualité d'interprétation et de vocalité que dans son Parsifal du MET. Le ténor munichois m'a prouvé hier soir le contraire. TOUT ! Il y avait absolument tout dans sa prestation d'hier. Indépendamment de sa beauté, son Carlo est exalté, déchiré, pathétique, ténébreux et perdu, parfaitement romantique en somme. Par chaque regard, par chaque posture, par chaque élan Kaufmann campe de manière très juste cet être fragile et tourmenté qu'un rien emballe et qu'un rien anéantit.

Vocalement, c'est tout simplement parfait : ampleur, legato, volume, timbre, engagement, aigus vaillants, medium et grave colorés et profonds... on ne se lasserait pas de louanger sa performance. Il est au sommet de son art, c'est maintenant qu'il faut l'entendre pour en conserver l'émouvante mémoire.

Jonas Kaufmann
Alors, si vous le pouvez, réservez vos billets pour les représentations où il est programmé !!!

samedi 20 juillet 2013

Les Troyens de Berlioz à Marseille

Le triomphe de Cassandre et de Didon
Les péripéties de Enée

Deux prises de rôles pour ces Troyens marseillais :

- Roberto Alagna s'attaquait à celle d'Enée
- Béatrice Uria-Monzon endossait la lourde charge de celle de Cassandre dans la première partie et de Didon dans la seconde.

Version concertante, orchestre et choeur de l'Opéra de Marseille sous la direction de Lawrence Foster. Il est à noter que ce dernier a su garder la maîtrise de cette direction, emmenant musiciens, choeurs et solistes avec sûreté et précision.

Si on a pu déplorer le manque de justesse dans les pupitres des cuivres et des sonorités un peu plates par ailleurs, il est à noter l'excellente prestation des choristes.

J'ai pu constater, également, la grande homogénéité de la distribution - si l'on excepte le ténor Gregory Warren dont le timbre décoloré et les aigus vacillants ont mal servi les rôles de Lopas et Hylas.

Tout au long de cette oeuvre fleuve, nous avons pu nous régaler : 
  • de la très belle prestation du baryton Marc Barrard en Chorèbe : timbre cuivré, ampleur, phrasé et diction, style.
  • la jeune basse, Nicolas Courjal, a confirmé en "live" l'excellente impression qu'il m'avait produite lors du concert télévisé d'Orange en juin dernier. Du talent, des possibilités énormes, un beau timbre sombre et du volume. A suivre de près dans la carrière qu'il entame. 
  • A suivre également - et tout le monde l'a souligné - la très jeune, très jolie et très talentueuse contralto Clémentine Margaine dont les qualités étaient sur le point de voler la vedette à Béatrice Uria-Monzon dans le duo Anna-Didon. Le timbre d'une rare beauté, le style, la diction, le volume... Je l'imagine déjà en Brangaene ! N'oubliez-pas son nom...
A n'en pas douter, la triomphatrice de la soirée fut notre mezzo-soprano Béatrice Uria-Monzon qui, à l'instar de Catarina Antonacci il y a deux saisons à Londres, s'attaquait pour la première fois aux deux rôles aux tessitures voisines que sont Cassandre et Didon.

Une fois admises la diction molle et l'émission particulière habituelles de la Mezzo-Soprano qui enferme trop ses sons, on se doit de lui reconnaître une belle maîtrise des deux personnages de la partition de Berlioz. Elle balaye d'une portée nos craintes et nous délivre une Cassandre fébrile dans son personnage mais vocalement pleine de sûreté, de justesse et aux aigus vaillants.

Reine dans la seconde partie, elle l'est véritablement, s'imposant par sa clarté et sa ligne de chant. Si l'on aurait pu préférer un peu plus de retenue dans le duo nocturne pour être davantage en osmose avec Roberto qui le chante mezzo-voce presque entièrement, il faut lui reconnaître un engagement d'une grande sensibilité dans la mort de Didon. Bravo pour la belle performance vocale et physique !


Pour ce qui est de Roberto Alagna - et n'en déplaise à ses détracteurs - je salue l'excellente prestation qui fut la sienne. Utilisant au mieux ses points forts (style, diction, phrasé, engagement), le ténor sait prêter à ce rôle de Fort-Ténor toutes les qualités d'un grand lyrisme. Dans la première partie, il se joue des difficultés vocales avec vigueur et beaucoup de présence. Dans la seconde, il contourne le problème en chantant le duo tout en finesse, en quasi demi-teinte presque constamment. C'est bien mais j'aurais préféré des modulations un peu plus sonores, comme Kaufman sait les faire... Mais Roberto n'est pas Jonas !

Alagna a, en revanche, brillamment interprété l'air "Inutiles regrets...", avec vaillance. Malheureusement, l'aigu n'a pas tenu. Déconcentré par ce ratage, il manque une mesure et s’emmêle dans les suivantes, ne parvenant à se remettre en selle que difficilement.

Au salut final, le ténor répond par une attitude un peu provocatrice aux huées de quelques-uns... Pour en savoir +, voir le détail dans son explication sur sa page Facebook

Il n'en demeure pas moins que sa prestation est tout à fait brillante et que les péripéties qui ont émaillé la fin de soirée ne sont qu'anecdotiques.

Au final, une belle représentation des Troyens au niveau des chanteurs. Aucun regret d'être descendue du côté du Vieux Port !





dimanche 16 juin 2013

Le Crépuscule des dieux, Bastille 12 juin


J'aurais pu, par paresse, pratiquer un "copier-coller" de mes impressions de la représentation de ce même spectacle en 2011. Mais je ne suis pas paresseuse, donc voilà. En revanche, je ne m'étendrai pas sur la très pâle mise en scène de Günter Krämer qui, en manque total d'idées, termine ce Ring par le vide.

Pour ce qui est de la distribution, il est très regrettable d'avoir à noter que les deux personnages principaux ne sont pas les mieux servis.

Presque toujours couvert par l'orchestre, Torsten Kerl ne parvient jamais à emplir le vaisseau Bastille. Cela rend son Siegfried peu crédible.
Brigitte Pinter et Torsten Kerl
Brigitte Pinter est belle et dramatiquement engagée dans son rôle de Brünnhilde. Malheureusement, les qualités de sa voix (timbre, ligne de chant) souffrent cruellement dans le médium qui ne passe pas non plus l'orchestre et dans les aigus qui manquent par trop de couleur.

Edith Haller, Evgeny Nikitin et Hans-Peter König
Edith Haller est une Gutrune à la voix charnue et mélodieuse. Elle avait, au début du I dans cette même représentation, interprété avec brio la 3ème Norne.

Le baryton Evgeny Nikitin ne devait pas être au mieux de sa forme car, outre un aigu claqué, sa ligne de chant fut très instable. Scéniquement, il est un Gunther irréprochable.



Les deux basses - Hans-Peter König pour Hagen et Peter Sidhom pour Alberich - sont vocalement et scéniquement superbes, nous offrant un duo du début du II absolument empli de cynisme, de noirceur et de machiavélisme. Un grand moment vocal de cette soirée.
Hans-Peter König et Evgeny Nikitin

Sophie Koch
L'autre grand moment d'émotion est l'intervention de Sophie Koch en Waltraute dans la scène 3 du I. Vocalement irréprochable, son imploration angoissée à Brünnhilde pour qu'elle revienne au Walhalla est incarnée, intense et grave. Arrivée désemparée elle s'en retourne totalement désespérée après le refus de sa soeur de rendre l'anneau que Siegfried lui a donné.
Sophie Koch, dans cette même représentation, avait brillamment interprété la seconde Norne au tout début du premier acte.


Et puis, je tiens à rendre un vibrant hommage au magnifique orchestre de l'Opéra de Paris et à son talentueux directeur musical, Philippe Jordan.
Philippe Jordan
Tout au long de ces quatre représentations et, particulièrement dans ce Crépuscule des dieux qui comporte de grandes pages symphoniques, la qualité de la musique jouée par ces musiciens hisse cet orchestre sur la plus haute marche du podium des orchestres français. La musicalité des bois, les piani des cuivres, en particulier les cors, les forte des trombones et trompettes, l'excellence des cordes et des harpes et, enfin, le grand talent du timbalier capable de produire des sons incroyablement feutrés et des roulements d'une grande intensité, tout cela sous la baguette d'un grand chef, restitue à cette soirée la dimension que la mise en scène sape par sa nullité.

Philippe Jordan emmène sa phalange vers des sommets de clarté, de précision dans les détails, de légèreté et d'équilibre plateau-fosse quand les chanteurs sont à la hauteur. La marche funèbre est un exemple de profondeur et d'éclat, de vibrations sombres et rondes, de flamboyance et d'une grande transparence. Ce jeune chef réussit l'exploit d'allier la clarté rigoureuse d'un Boulez à la profondeur et au lyrisme d'un Barenboïm. Souhaitons que Jordan demeure longtemps encore à la tête de cet orchestre qui, avec lui, a gagné en valeur et en maturité sur l'interprétation wagnérienne.

Fin de ma saison lyrique parisienne. Je la poursuis le mois prochain à Marseille où je vais supporter le Bô-Roberto et la belle Béatrice dans leurs prises de rôles respectifs dans Les Troyens de Berlioz (Enée pour le premier, Cassandre et Didon pour la seconde).

samedi 15 juin 2013

Schubertiade à la Cité de la Musique

Lorsque Linda me pria de l'accompagner et de prendre des places pour cette "Schubertiade", je m'exécutai mais sans enthousiasme particulier. D'autant que la Cité de la Musique c'est loin du quartier Cambronne ! Mais elle savait bien que le charme schubertien agirait...


Une Schubertiade, c'est un moment de musique partagé entre amis et amateurs éclairés pour faire de la musique, essentiellement vocale ou pour piano à quatre mains, dans un lieu intime. La pratique existait avant Schubert mais ce nom fut donné à ces réunions pour lesquelles le compositeur écrivit une grande partie de son oeuvre.

Les lieder à effectif variable que nous avons entendus dimanche ne sont pas les plus connus du public parisien, plus habitué aux cycles de La Belle Meunière, au Voyage d'Hiver ou au Chant du Cygne. Ces pages sont antérieures à ces cycles et nous découvrons, en les écoutant, une musique dont le charme à l'apparente simplicité nous ravit dans ces ensembles alternés pour quatuors, trios, duos ou voix seule. L'amour, la nature et la bonhomie affirment le credo du musicien (qui pourrait bien être le nôtre) : "Etre ensemble est un plaisir de l'âme".

Les poèmes mis en musique par Schubert sont empruntés à Schnitzer von Meerau, Seidl, von Collin, Mariane von Willemer (la maîtresse de Goethe) et à Goethe lui-même.

La première partie de ce concert se conclut sur un trio joyeux qui relate la chasse de ce qui devra devenir "le rôti de noces" par les deux fiancés et que le garde-chasse va venir déranger. Une récréation musicale où la soprano joue la "rabatteuse" et où le piano plante le décor par ses sonorités appropriées (frissons d'angoisse, ténèbres, sonnerie du chasseur...).

En seconde partie, nous entendons la musique d'un Schubert plus spirituel. Von Schiller (Hymne à l'infini) et Klopstock (Chant de funérailles) sont, entre autres, au menu de ces prières aux mélodies plus graves et empreintes d'une certaine sérénité.

                      
Werner Güra
Anke Vondung
Les quatre chanteurs, tous allemands - Ruth Ziesak (soprano), AnkeVondung (mezzo-soprano), Werner Güra (ténor) et Konrad Jarnot (basse) - ont une grande habitude de ces interprétations à effectif variable qu'ils pratiquent et enregistrent depuis déjà quelques années. Leur style est impeccable et leurs voix se fondent parfaitement dans ces harmonies schubertiennes. Ils sont accompagnés par un autre habitué, l'autrichien  Christoph Berner qui est, pour les chanteurs, un complice de grand talent.

Ruth Ziesak
Christoph Berner

Konrad Jarnot