samedi 20 juillet 2013

Les Troyens de Berlioz à Marseille

Le triomphe de Cassandre et de Didon
Les péripéties de Enée

Deux prises de rôles pour ces Troyens marseillais :

- Roberto Alagna s'attaquait à celle d'Enée
- Béatrice Uria-Monzon endossait la lourde charge de celle de Cassandre dans la première partie et de Didon dans la seconde.

Version concertante, orchestre et choeur de l'Opéra de Marseille sous la direction de Lawrence Foster. Il est à noter que ce dernier a su garder la maîtrise de cette direction, emmenant musiciens, choeurs et solistes avec sûreté et précision.

Si on a pu déplorer le manque de justesse dans les pupitres des cuivres et des sonorités un peu plates par ailleurs, il est à noter l'excellente prestation des choristes.

J'ai pu constater, également, la grande homogénéité de la distribution - si l'on excepte le ténor Gregory Warren dont le timbre décoloré et les aigus vacillants ont mal servi les rôles de Lopas et Hylas.

Tout au long de cette oeuvre fleuve, nous avons pu nous régaler : 
  • de la très belle prestation du baryton Marc Barrard en Chorèbe : timbre cuivré, ampleur, phrasé et diction, style.
  • la jeune basse, Nicolas Courjal, a confirmé en "live" l'excellente impression qu'il m'avait produite lors du concert télévisé d'Orange en juin dernier. Du talent, des possibilités énormes, un beau timbre sombre et du volume. A suivre de près dans la carrière qu'il entame. 
  • A suivre également - et tout le monde l'a souligné - la très jeune, très jolie et très talentueuse contralto Clémentine Margaine dont les qualités étaient sur le point de voler la vedette à Béatrice Uria-Monzon dans le duo Anna-Didon. Le timbre d'une rare beauté, le style, la diction, le volume... Je l'imagine déjà en Brangaene ! N'oubliez-pas son nom...
A n'en pas douter, la triomphatrice de la soirée fut notre mezzo-soprano Béatrice Uria-Monzon qui, à l'instar de Catarina Antonacci il y a deux saisons à Londres, s'attaquait pour la première fois aux deux rôles aux tessitures voisines que sont Cassandre et Didon.

Une fois admises la diction molle et l'émission particulière habituelles de la Mezzo-Soprano qui enferme trop ses sons, on se doit de lui reconnaître une belle maîtrise des deux personnages de la partition de Berlioz. Elle balaye d'une portée nos craintes et nous délivre une Cassandre fébrile dans son personnage mais vocalement pleine de sûreté, de justesse et aux aigus vaillants.

Reine dans la seconde partie, elle l'est véritablement, s'imposant par sa clarté et sa ligne de chant. Si l'on aurait pu préférer un peu plus de retenue dans le duo nocturne pour être davantage en osmose avec Roberto qui le chante mezzo-voce presque entièrement, il faut lui reconnaître un engagement d'une grande sensibilité dans la mort de Didon. Bravo pour la belle performance vocale et physique !


Pour ce qui est de Roberto Alagna - et n'en déplaise à ses détracteurs - je salue l'excellente prestation qui fut la sienne. Utilisant au mieux ses points forts (style, diction, phrasé, engagement), le ténor sait prêter à ce rôle de Fort-Ténor toutes les qualités d'un grand lyrisme. Dans la première partie, il se joue des difficultés vocales avec vigueur et beaucoup de présence. Dans la seconde, il contourne le problème en chantant le duo tout en finesse, en quasi demi-teinte presque constamment. C'est bien mais j'aurais préféré des modulations un peu plus sonores, comme Kaufman sait les faire... Mais Roberto n'est pas Jonas !

Alagna a, en revanche, brillamment interprété l'air "Inutiles regrets...", avec vaillance. Malheureusement, l'aigu n'a pas tenu. Déconcentré par ce ratage, il manque une mesure et s’emmêle dans les suivantes, ne parvenant à se remettre en selle que difficilement.

Au salut final, le ténor répond par une attitude un peu provocatrice aux huées de quelques-uns... Pour en savoir +, voir le détail dans son explication sur sa page Facebook

Il n'en demeure pas moins que sa prestation est tout à fait brillante et que les péripéties qui ont émaillé la fin de soirée ne sont qu'anecdotiques.

Au final, une belle représentation des Troyens au niveau des chanteurs. Aucun regret d'être descendue du côté du Vieux Port !