dimanche 27 novembre 2016

PARIS - BERLIN - PARIS


➤PARIS

Le quatuor est toujours un plaisir et "Les plaisirs du quatuor" est l'émission de Stéphane Goldet sur France Musique qui compte le samedi après-midi à seize heures.

Je vous recommande tous ses opus et, plus particulièrement, deux d'entre eux, à réécouter ou à podcaster :


  • celle du 29 octobre consacrée à "Ulysses", le quatuor n° 4 d'Olivier Greif (1950-2000). Le Quatuor Syntonia, créateur de l'oeuvre à l'Abbaye de La Prée (Indre) le 23/04/2000, joua l'oeuvre en direct lors de l'enregistrement auquel je n'assistai malheureusement pas !
    En préambule, Stéphane Goldet et les membres du Syntonia ont décortiqué pour nous l'oeuvre intense du compositeur, nous éclairant parfaitement sur sa genèse, ses qualités, sa profondeur et son intensité.
    Je ne me lasse pas de l'écouter !
➤BERLIN

Envol pour Berlin début novembre avec, en poche, trois billets :
  • un pour le Staatsoper avec Elektra
  • un pour la Philharmonie avec Radu Lupu et Paavo Jarvi 
  • un pour le Deutsche Oper avec La Tosca.
La Tosca au Deutsche Oper Berlin avec Anja Harteros

Mon désappointement est, sans doute, à la hauteur de mon attente.

Le lieu d'abord : sinistre bâtiment des années soixante, le Deutsche Oper est probablement la plus vilaine maison d'opéra dans laquelle il m'a été donné d'entrer. Le foyer aux couleurs délavées et la salle, crûment éclairée et impersonnellement nue, rien dans ce décor n'invite au plaisir.

Le public étonnamment bruyant et au comportement provincial (il applaudit l'entrée de Tosca...) me surprend beaucoup.

L'acoustique de la salle aux résonances sèches où perce parfois un écho désagréable, accentue la trop grande sonorité d'un orchestre malmené par Ivan Repusic.

Dans un décor poussiéreux où aucun des traditionnels repères ne manquait (la chapelle et les enfants de chœur au surplis de dentelle, le long bureau "Empire" et ses chandeliers dans l'imposante pièce d'un Palais Farnese miteux et les parapets du Château Saint-Ange sur fond d'aube bleuâtre), nous avons assisté à une représentation très moyenne de La Tosca de Puccini.




La belle prestance de Lucio Gallo en Scarpia ne compense pas un timbre assez terne et une incarnation plutôt inconsistante. Le baryton n'est pas gêné par la tessiture mais il manque de vaillance.






La couleur un peu cuivrée du timbre du ténor espagnol Jorge de Leon est agréable. Il chante avec
style mais est apparu davantage préoccupé de son chant que par ce qu'il chantait.
La voix manque parfois de projection et le médium vibre un peu. En revanche, les aigus sont bien projetés et d'une bonne tenue. Son physique est avantageux.



J'attendais beaucoup d'Anja Harteros que je n'avais entendue que lors de retransmissions télévisées. Physiquement "très Tosca", c'est dès les premières phrases d'entrées que son médium un peu nasillard et son grave surmontant difficilement l'orchestre m'ont surprise.

Il est vrai que la conversation puccinienne requiert un placement de la voix bien différent de celui des grandes phrases lyriques des airs. Et je reconnais que, dans ces derniers, la soprano allemande déploie une belle vocalité et que les belles envolées lyriques du rôle s'élèvent avec facilité jusque dans les notes les plus aiguës, brillantes et larges.

Concert à La Philharmonie



Un concert dans la belle salle de La Philharmonie de Berlin est toujours un événement, même dans une série d'abonnement et sans le célébrissime orchestre du lieu.



Mais Paavo Järvi dirigeait "Staatskapelle Berlin" qui nous emporta dans les accents, à la fois poétiques et sonores, de la 7ème symphonie, dite Leningrad (1947) de Dimitri Chostakovitch.
Avec son grand déploiement de percussions, de cuivres et de bois, tous plus talentueux les uns que les autres, le déferlement majestueux de ces quatre-vingts minutes intenses de musique a enflammé le public présent.

En première partie, Radu Lupu avait joué, avec tendresse et virtuosité, le 3ème concerto de Ludwig Van Beethoven.

Une excellente soirée.


Elektra au Staatsoper

Elektra à Berlin, dans la mise en scène de Patrice Chéreau et sous la direction de Daniel Barenboïm. Inoubliable représentation que celle-là !

Le même orchestre Staatskapelle Berlin, éclatant de force et de précision sous la battue énergique et millimétrée de son chef.

Sur le plateau, de l'aube au couchant, du service matinal des domestiques à l'heure de la vengeance d'Agamemnon par Oreste, en passant par l'affrontement mère-fille (Clytemnestre-Electre), la solitude, la tristesse ou la colère d'Electre au bord de la rupture mentale, la tentative de la douce Chrysothémis, la sœur, pour sortir de ce malaise et jusqu'à l'émotion des retrouvailles d'Oreste et d'Electre, le frère chéri qu'on croyait mort... Tout, vraiment tout nous emporte, tout fait choc et sentiment, de la peur à l'hystérie, de la colère à l'émoi, du désarroi au bouleversement, de la haine à l'amour !





Je ne saurais ici disperser mes éloges à telle ou tel interprète, ce serait faire injure à l'unisson, à l'osmose, à l'harmonie éclatantes de cette distribution et au bonheur qu'elle m'a procuré et que je garde au fond du cœur, précieusement. Le les cite : Daniel Barenboïm, Patrice Chéreau, Staatskapelle Berlin, Waltraud Meier, Evelyn Herlitzius, Adrianne Pieczonka, Stephan Rügamer, Michael Vole, Franz Mazura, Cheryl Studer, pour les principaux.

➤PARIS

Les Contes d'Hoffmann à l'Opéra Bastille

Peu après mon retour à Paris, mon abonnement à cette saison me menait à Bastille pour une représentation de l'opéra de Jacques Offenbach, dans la reprise de la production de Robert Carsen.

En dépit de l'absence de Jonas Kaufmann, souffrant d'un hématome sur une corde vocale, la soirée fut une pleine réussite.

J'ai retrouvé avec un très grand plaisir la mise en scène de Robert Carsen qui m'avait tant séduite à sa création. Je souscris pleinement à son concept du théâtre dans le théâtre et salue toutes les trouvailles scénographiques qui émaillent l'oeuvre. Plantés dans les superbes décors et costumes de Michael Levine, parfaitement éclairés par Jean Kalman, le prologue, les trois actes et l'épilogue nous déroulent ce conte fantastique qui nous emmène et nous ramène dans la taverne de Maître Luther à Nuremberg, avec des escales à Munich et Venise. Ils nous racontent les péripéties amoureuses d'Hoffmann, poète aux prises avec un diable aux multiples visages.

Les Choeurs et l'Orchestre de l'Opéra de Paris sont flamboyants dans ce répertoire "maison" et sous la baguette de son chef Philippe Jordan, toujours attentif à la clarté, la
légèreté et l'exposé de la partition.

A noter l'excellence de tous les rôles secondaires, tous bien tenus et bien chantés.

Le beau timbre de Paul Gay nous ravit en Luther et plus encore en Crespel où son volume déploie sa voix ample et sonore avec bonheur.

Kate Aldrich

La Giulietta de Kate Aldrich trouve les accents enjôleurs nécessaires pour ravir son ombre au ténor.

Nadine Koutcher


L'Olympia de Nadine Koutcher est désopilante de drôlerie et de fantaisie, tout en restant vocalement parfaite avec ses vocalises agiles et vertigineuses et ses suraigus acrobatiques.

Ermonela Jaho
Pour ne l'avoir entendue que dans les retransmissions de l'été (voir mes impressions d'Orange), je redoutais un peu l'écoute directe (surtout après ma déception de Berlin pour Harteros) de la chanteuse albanaise Ermonela Jaho, tout en estimant que le rôle d'Antonia convenait parfaitement à la tessiture de sa voix présente.

Je ne m'étais pas trompée et j'ai apprécié pleinement son style, le velouté de son timbre et de ses aigus solides. Belle ampleur, sonorité pleine et juste implication scénique.



Yann Beuron


Yann Beuron, le discret et talentueux ténor français, économe de ses prestations, nous propose une belle composition des personnages des différents valets (Andrès, Cochenille, Pitichinaccio, Franz) cousins de ceux des comédies baroques. La voix est claire, bien timbrée, bien projetée et le style parfait.



Roberto Tagliavini





Roberto Tagliavini parvient à maîtriser les différentes tessitures que nécessitent les quatre rôles du "diable".
Elles vont de la basse noble (Lindorf, Coppélius) au baryton-basse (Daperttuto) en passant par la basse chantante (Dr Miracle). Si l'implication scénique est un peu effacée, la belle couleur vocale, l'ampleur, le style et la ligne sont impeccables.


Stéphanie d'Oustrac


La Muse et Nicklausse, rôles très opposés à première vue, sont en fait très complémentaires. Notre mezzo, Staphanie d'Oustrac, fait merveille et s'impose dans l'un comme dans l'autre. Incandescence de l'une contre énergie de l'autre, elle supporte parfaitement la transformation de l'apparition céleste en étudiant gouailleur et impertinent.
Vocalement, la rondeur et la chaleur du timbre le disputent à la vocalité, le tout avec un très bon style.





Aimablement détaché du MET pour remplacer le ténor munichois initialement prévu, le mexicain Ramon Vargas réussit la prouesse de nous le faire oublier !

Ramon Vargas
Il est un Hoffmann merveilleux et touchant scéniquement et vocalement. Sans jamais forcer, le ténor se joue des difficultés en gardant sa personnalité vocale et traverse cette longue épopée avec une belle constance et beaucoup d'émotion.

Sa personnification, sa prononciation très intelligible avec ce léger accent, un je-ne-sais-quoi dans le timbre et dans l'allure... j'ai beaucoup pensé à Albert Lance en l'écoutant au fil de cette soirée. Même timbre solaire et ample, mêmes intonations, même dégaine et gestuelle similaire. Ramon Vargas ne le sait pas mais, sous ma plume, cette comparaison est un beau compliment.


A bientôt pour d'autres aventures lyriques !