samedi 11 février 2017

TCE 8 février 2017 - Winterreise par Matthias Goerne

Il y a quelques années, je découvrais Matthias Goerne dans le Voyage d'Hiver de Franz Schubert, au Théâtre des Champs-Elysées.

Pendant que mes amis s'extasiaient, j'étais beaucoup plus réservée sur cette interprétation ayant été déroutée par le grain très sombre du timbre, une émission un peu râpeuse et légèrement engorgée. Dans la foulée, un sentiment défavorable devant la mise quelque peu négligée du chanteur.

Jeudi soir, je redoutais un peu ce récital arrivant après celui, tout proche encore, de Christian Gerhaher dans Schumann.

Matthias Goerne

Eh bien j'avais tort ! Matthias Goerne a su faire évoluer magnifiquement son talent. Il déploie un savant dosage absolument fantastique, dès le "Gute Nacht" (Bonne Nuit) qui entame le cycle, de piani émis avec une légèreté inouïe, une utilisation confondante de la noirceur de son timbre, de la sonorité de sa voix.

Les mille et une nuances vocales dont il habille les vingt-quatre mélodies sont incroyablement belles et variées et l'on est emporté dans les pas du Voyageur en portant avec lui sa tristesse.

Car n'allez pas croire que tout est parfait dans la technique vocale de Matthias Goerne, oh non ! Son style est beaucoup "moins propre" que celui de son compatriote Gerhaher. Sa respiration est déplorable et bruyante, certaines attaques imprudentes... Mais ce qui est fantastique, c'est qu'il vit et anime ce Voyage d'Hiver avec tout son corps, avec toute son âme. Et c'est ça l'extraordinaire effet qu'il nous transmet. On est suspendu à son chant, à cette mélancolie, à cette douleur, à ces souvenirs bucoliques... Et c'est avec lui que l'on ira mettre nos pas dans ceux de "Der Leiermann" (Le joueur de vielle à roue) parce que c'est véritablement trop triste de laisser le musicien reprendre sa sébile vide et repartir seul dans le froid !

Ineffables instants de suspension à l'issue des quatre-vingts minutes de ce froid voyage. Quel bonheur que l'art à ce niveau !


Un mot du pianiste, double du chanteur : Leif Ove Andsnes est norvégien. Il trace la route pour le chanteur, le précède, l'accompagne ou le suit (au figuré, bien sûr !) au gré de la partition de Schubert. Un beau tandem.