jeudi 25 mai 2017

Un Quatuor et une Diva

Stéphane Goldet



Peut-être l'avez-vous écoutée en direct samedi dernier entre 16 et 18 heures... J'étais au studio 106 de la Maison de la Radio, en compagnie du public privilégié venu assister à l'émission de Stéphane Goldet "Plaisirs du Quatuor" à réécouter à l'envie.





Ce qui est certain, c'est que nous avons eu, tous, beaucoup de bonheur à entendre les trois œuvres proposées par le Quatuor Hanson pour leur troisième participation à l'émission cette saison.
Quatuor Hanson
Rien moins que :
- Quatuor à cordes en sol majeur op. 33 n° 5 de Joseph Haydn
- Quatuor à cordes en sol mineur de Claude Debussy
- Quatuor à cordes n° 14 en ré mineur "La Jeune Fille et la Mort" de Franz Schubert
pour le programme de ces deux heures de pleine musique.
Et l'exercice est périlleux, même pour ces quatre talentueux musiciens qui, nous l'espérons tous, remporteront le Premier Prix du prochain concours qu'ils tenteront très bientôt. Ils nous ont offert une interprétation relevée et vivifiante "du Haydn", virtuose, décoiffante et brillante "du Debussy" et particulièrement éloquente et bouleversante "du Schubert". On leur dit Toï Toï



La Diva, c'est la magnifique et quasi indétrônable de son podium actuel, j'ai nommé Anna Netrebko !

Pour cette soirée de mon abonnement ONP, j'ai revu avec plaisir la production de Willy Decker, très épurée et d'une très grande simplicité.
A.N. et A. Tsymbalyuk

On sait qu'à Bastille, chanter au-delà des cinq mètres du bord de scène noie le son dans l'espace. La soprano russe entame sa partition en fond de plateau sans que nous ne perdions une seule note. Un régal que le velouté de ce timbre chatoyant que la chanteuse module à souhaits. Son interprétation de La Lettre est incomparable. Sa voix garde son moelleux jusque dans les somptueux aigus et tout au long de l'oeuvre avec de nombreuses nuances qui viennent l'enrichir.

Anna Netrebko est une immense chanteuse, incontestablement !











Dans son ombre, le très élégant et ténébreux Onéguine de Peter Mattei ne parvient pas, malgré toutes ses qualités vocales, à se hisser à son niveau.

Son timbre bien coloré, son chant aisé et précis, son interprétation soignée et bien incarnée ne comblent pas une certaine platitude, une forme par trop linéaire du phrasé qui laissent un peu le spectateur sur sa faim. Le baryton suédois est peut-être un peu fatigué.


Pour modérer mon propos, j'ajoute que, cependant, je veux bien entendre Peter Mattei encore et encore dans Onéguine !
A. Netrebko et H. Schwarz
Hanna Schwarz nous propose une nourrice Filipievna de luxe : timbre et interprétation parfaits !




J'ai trouvé, pour ma part, le timbre très sombre et la belle ampleur de la mezzo Varduhi Abrahamyan presque trop fastueux pour le rôle de cette jeune fille légère et enjouée. J'imagine ce que ses belles qualités vocales produisent dans un rôle comme Azucena du Trouvère de Verdi...










La basse Alexander Tsymbalyuk s'appuie sur l'effet émotionnel que projette l'air du Prince Grémine sans rien y apporter de lui-même. La voix est généreuse et le style impeccable mais l'ensemble reste un peu froid.







Chœurs et Orchestre à la fête pour notre plus grand plaisir, sous la direction du chef britannique Edward Gardner.




Clôture de ma saison lyrique avec cette belle représentation. Mai de beaux moments musicaux sont encore programmés jusqu'à l'été. A très bientôt donc !

mardi 16 mai 2017

Divers et très variés

A Blandy-les-Tours, les Concerts de Poche proposaient, dans une salle du Château, un concert chant/piano au cours duquel Michel Dalberto (piano) et Hélène Hébrard (mezzo-soprano) nous ont régalés.

Je rappelle que l'Association Les Concerts de Poche apporte, à un public de villages et de quartiers, le plaisir d'entendre les artistes les plus renommés, dans des lieux de proximité, le tout dans une ambiance dépouillée de tout cérémonial.


Les deux artistes de cet après-midi-là nous ont offert un très beau concert. Michel Dalberto a très brillamment interprété la Sonate dite "Clair de Lune" de Beethoven et fantastiquement, après la pause, le "Gaspard de la Nuit" de Maurice Ravel.







Il a également harmonieusement accompagné, avec élégance, le beau timbre de la Mezzo Hélène Hébrard. La chanteuse a interprété avec une belle maîtrise, les mélodies aux styles bien différents de Franz Schubert, Maurice Ravel, Gabriel Fauré et Francis Poulenc. Avec une parfaite prononciation de l'allemand et du français, c'est avec une belle émotion que sa voix veloutée au timbre plein de chaleur nous a enchantés.




En avril, sans se découvrir d'un fil, nos oreilles se sont laissé accrocher par les frottements, bruissements, crissements, frôlements, grésillements, murmures et ronronnements libérés par les cordes du Quatuor Tana dans des œuvres de Gervanosi, Bedrossian  et le quatuor à cordes n° 4 en ut majeur de Bartok, ainsi que des extraits de S'abandonner de Benjamin Dupé, extraits du spectacle "Il se trouve que les oreilles n'ont pas de paupières" avec Pierre Baux en diseur.

Tout cela nous a joliment étonnés, merci Stéphane Goldet ! Retrouvez nos sensations en réécoutant l'émission sur France Musique

Toujours emmitouflés, c'est dans la chapelle du Lycée Henri IV qu'un Moment Musical nous était offert par le Chœur formé  par les professeurs et les parents d'élèves, augmenté du Groupe Vocal ProHomine.

Après une première partie d'échauffement par de courtes pièces de Fauré, Saint-Saëns, Duruflé et Séverac, le chœur a donné une très limpide et radieuse interprétation du Requiem de Fauré.
Félicitations à cette formation qui n'existe que depuis peu, à sa cheffe Marie-Christine Pannetier et à l'accompagnement piano et orgue de Jorris Sauquet.

A l'auditorium, pour clore le week-end où la Maison de la Radio lui laissait Carte Blanche, Jean-Yves Thibaudet, entouré de ses amis musiciens de l'Orchestre National de France, jouait Debussy, Fauré et Poulenc. Un mois d'avril où la musique française a rayonné pour notre plus grand plaisir.
Après la présentation par Stéphane Goldet, nous avons eu le privilège d'entendre trois excellentes interprétations :

  • une magnifique interprétation de la Sonate n° 1 pour violoncelle et piano de Claude Debussy, par Raphaël Perraud et J.Y. Thibaudet
  • un superbe quatuor n° 1 en ut mineur pour piano et cordes de G. Fauré, avec Lyodoh Kaneko violon, Nicolas Bône alto, Raphaël Perraud violoncelle qui entouraient J.Y. Thibaudet
  • un beau sextuor de Francis Poulenc avec J.Y. Thibaudet piano, Philippe Pierlot flûte, Mathilde Lebert hautbois, Patrick Messina clarinette, Vincent Léonard cor et Philippe Hanon basson.

Pour entamer ce frileux mois de mai, toujours emmitouflée dans ma doudoune, j'ai pris le chemin de l'Opéra Bastille pour une rafraîchissante représentation de La Fille de Neige de N. Rimski-Korsakov.
Première audition pour ma part de cette oeuvre, opéra fantastique sur une pièce de N. Ostrovski, qui nous conte les aventures de la fille née des amours de Dame Printemps et du Père Hiver, que ses parents confient à l'Esprit des bois qui doit la protéger des ardeurs du soleil. Je vous invite à en savoir un peu plus sur cette oeuvre si cela vous intéresse.

La mise en scène de Dmitri Tcherniakov est ce qui convient à un conte : lumineuse et verdoyante, transposée avec poésie dans une communauté genre baba-cool qui a planté ses cabanes et roulottes dans une clairière.

A l'acte IV, les arbres de la forêt, sous les volontés conjuguées de l'Esprit qui l'habite et de Dame Printemps, se déplacent en tournoyant pour protéger Fleur de Neige. Un bel effet scénique empli de magie.

Musicalement, j'ai trouvé quelques longueurs et un manque d'unité dans cet opéra un peu décousu. En revanche, quelques airs - ceux de Fleur de Neige dans le prologue et au III, ceux du Berger Lel aux I et au III, ceux de Koupava, du Tzar, de Dame Printemps au prologue et un beau duo Mizguir/Fleur de Neige au IV.





L'orchestre et le chœur de l'ONP font honneur à leur réputation sous la baguette de M. Tatamikov, familier de ce répertoire.






La distribution russe est bonne, avec un accessit aux chanteuses et au contre-ténor Yuriy Mynenko.




Aida Garifullina projette son joli timbre de soprano et se joue des difficultés. Sa silhouette juvénile convient parfaitement au personnage évanescent en mal d'amour de Snegourotchka.










Martina Serafin assure dans le rôle de Koupava. Le volume et l'ampleur compensent des aigus un
peu percutants.








La mezzo Elena Manistina chante avec de belles couleurs et un style parfait son air d'entrée assez long et singulier.



Généralement distribués dans l'opéra baroque, je n'ai pas souvent l'occasion d'entendre de contre-ténors. Yuriy Mynenko m'a complètement charmée dans les trois airs qu'il  a chantés dans le rôle duBerger Lel. Toutes les qualités sont réunies dans sa voix : le volume, la couleur, l'ampleur et la virtuosité, alliés à une parfaite ligne de chant et un style irréprochable. Sans conteste le meilleur élément de cette distribution.

J'ai toujours eu peu d'attirance pour la couleur de voix, particulière, des ténors d'Europe de l'est. Je trouve leur timbre terne et leur vocalité très plate. La voix de Maxim Pater, dans le rôle du Tsar, n'échappe pas à ces particularités. Le style est, cependant, excellent.

Le timbre un peu engorgé du baryton Thomas Johannes Mayer en Mizguir n'a que modestement servi le rôle.

En résumé, une bonne soirée découverte pour la vieille routière du lyrique que je suis et à qui ça n'arrive plus si souvent...

Pour consoler les abonnés de la défection de Jonas Kaufmann dans Les Contes d'Hoffmann en début de saison, Stéphane Lissner leur a offert une place pour un spectacle au choix dans la même catégorie de places que leur abonnement. J'ai donc choisi de voir Wozzeck d'Alban Berg.

Opéra difficile et sombre repris dans la mise en scène de Christoph Marthaler sous l'ère Mortier. Les trois actes, découpés en cinq scènes par le compositeur, vont se succéder dans un décor unique de tente-buvette d'une fête qui occupe pratiquement tout le plateau avec, en arrière plan, derrière des parois en plastique transparent, des enfants qui jouent sur les différentes aires de jeux de la kermesse.
Une large palette d'éclairages divers délimitera les nombreux cadres et ambiances où se déroulent les quinze scènes de l'oeuvre. Si l'ensemble n'est pas, à proprement parler inesthétique, il faut convenir que ça n'aide pas à la compréhension du livret ni à l'entendement de la musique de Berg. Si, en plus comme moi on ne comprend pas l'allemand, on perd, au fil du déroulement
  • soit le texte, très important, qu'il faut lire au détriment de l'écoute d'une musique, je l'ai dit, d'un accès difficile
  • soit le contexte de l'action plutôt énigmatique au profit de l'imprégnation d'un genre musical un peu déconcertant.
C'était ma seconde représentation de l'opéra de Berg. Je ne désespère pas, au bout de la dixième de parvenir à me concentrer pour suivre l'ensemble...
Wozzeck - Marie - Herr Doktor



Rompu maintenant, grâce au travail de son chef permanent Philippe Jordan, à ces exercices périlleux, l'orchestre de l'ONP a brillamment défendu la musique d'Alban Berg sous la direction de Michael Schonwandt.



Quant à la distribution, ce serait chipoter que d'énoncer les quelques imperfections vocales ou stylistiques. Aux côtés du Wozzeck éblouissant et particulièrement émouvant de Johannes Martin Kränzle et de la vaillante Marie si présente dans sa perdition, le Doktor de Kurt Rydl, le Tambourmajor de Stefan Margita, l'Hauptmann de Stephan Rügamer et l'Andrès de Nicky Spence et jusqu'à la Margret de Eve-Maud Hubeaux, tous ont participé à la superbe réussite de cette représentation. Bravo !

Samedi soir dernier, le MET retransmettait en direct l'opéra Der Rosenkavalier de Richard Strauss. Nous avons donc pu voir et entendre l'interprétation particulièrement émouvante de Renée Fleming dont c'était la dernière dans ce rôle et, je crois, la dernière tout court au MET.

Avec une somptueuse distribution - Elina Garança en Octavian, Erin Morley en Sophie, Günther Groissböck en Baron Ochs, Marcus Brück en Faninal et Matthew Polenzani en Chanteur italien - cette représentation dirigée par Sebastian Weigle, fera date dans l'histoire du théâtre New Yorkais. Dans la très belle mise en scène de Robert Carsen, chacun a livré une interprétation magistrale dont les témoins en salle se souviendront longtemps.
Günther Groissböck


Erin Morley
Vous pouvez réécouter sur France Musique cette soirée mémorable qui fut diffusée en direct.